
Le grillage s’est fendu
sur la zone interdite
mes entrailles retournées
la terre fraîche remuée
de la friche
ou de mon estomac
le passage interdit
pourtant la grille est fendue
elle ouvre la brèche
les lignes du temps
la ville est un chantier
ma vie est un chantier
il reste sur les murs
des pans entiers d’existences
des anciens locataires
on aperçoit les ruines
des canalisations
l’ancienne salle à manger – le papier peint
il suffirait de peu
pour en faire un vestige
j’imagine les laitues
essorées au bord du vide
et c’est vertigineux
il faudra bien raser
les murs jaunis
les fondations rongées
par l’amiante et le bruit
de leurs machines voraces
leur soif de nouveau monde
moi je préfère rester
dans la zone interdite
j’y incruste les secrets des anciens locataires
j’y incruste mes doutes
sur la mégalomanie
des métropoles sanctuaires
des éternels chantiers
sur les friches de la ville
tant que les murs tiennent
que le papier peint dessine
la possibilité
d’une autre trajectoire
je piétine les chantiers
les projets d’urbanisme
pour célébrer les ronces
les bombes aérosols
d’une ville anachronique
qui refuse de s’éteindre
d’une ruine malmenée
sublimée en vestige